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Langue: Français
opajpoaj (Voir le profil) 15 décembre 2016 20:54:55
En ce 15 décembre, donc, peu fêté, et en deux temps trois mouvements et bien des rires et puis n'en parlons plus…
... sur RTL(Belgique) (émission 'De quoi je me mêle !')
… « Cette belle entreprise de destruction de la Tour de Babel a échoué. »
… « His language survived, and while its adherents may be on the fringes, confined to internet forums and obscure annual seminars, perhaps its origins deserve more attention. »
… « Aujourd’hui est une journée particulièrement particulière. C’est à la fois la Journée internationale du thé, la Journée universelle de l’espéranto et la Journée mondiale des otakus. Sans doute faudrait-il prendre le temps d’étudier ce qui distingue exactement une journée internationale d’une journée universelle et d’une journée mondiale. »
Allons ! un peu d'humour… humour ? ou délectation plus victorieuse que morose ?
Aventure en mondes parallèles (le texte original est ici)
Z., dans son séjour sur Terre, apprit, comme tout le monde sait, à l'école de l'expérience, le langage des bêtes et celui des plantes. Se promenant un jour dans une prairie assez près du rivage de la mer, il entendit ces paroles : «Que je suis malheureuse d'être née herbe ! À peine suis-je parvenue à deux pouces de hauteur que voilà un monstre dévorant, un animal horrible, qui me foule sous ses larges pieds ; sa gueule est armée d'une rangée de faux tranchantes, avec laquelle il me coupe, me déchire et m'engloutit. Les hommes nomment ce monstre un mouton. J'ai beau exprimer à ma manière mon envie de vivre, il ne m'entend point. Je ne crois qu'il y ait au monde une plus abominable créature.»
Z. avança quelques pas ; il trouva une huître qui bâillait sur un petit rocher ; il n'avait point encore embrassé cette admirable loi par laquelle il est défendu de manger les animaux nos semblables. Il allait avaler l'huître, lorsqu'elle prononça ces mots attendrissants : «O nature ! Que l'herbe, qui est comme moi ton ouvrage, est heureuse ! Quand on l'a coupée, elle renaît, elle est immortelle ; et nous, pauvres huîtres, en vain sommes-nous défendues par une double cuirasse ; des scélérats ignorant notre refus de passer de vie à trépas nous mangent par douzaines à leur déjeuner, et c'en est fait pour jamais. Quelle épouvantable destinée que celle d'une huître, et que les hommes sont barbares, sourds et bornés qu'ils sont dans leur langage particulier !»
Z. tressaillit ; il sentit l'énormité du crime qu'il allait commettre : il demanda pardon à l'huître en pleurant, et la remit bien proprement sur son rocher.
(à suivre)
... sur RTL(Belgique) (émission 'De quoi je me mêle !')
… « Cette belle entreprise de destruction de la Tour de Babel a échoué. »
… « His language survived, and while its adherents may be on the fringes, confined to internet forums and obscure annual seminars, perhaps its origins deserve more attention. »
… « Aujourd’hui est une journée particulièrement particulière. C’est à la fois la Journée internationale du thé, la Journée universelle de l’espéranto et la Journée mondiale des otakus. Sans doute faudrait-il prendre le temps d’étudier ce qui distingue exactement une journée internationale d’une journée universelle et d’une journée mondiale. »
Allons ! un peu d'humour… humour ? ou délectation plus victorieuse que morose ?
Aventure en mondes parallèles (le texte original est ici)
Z., dans son séjour sur Terre, apprit, comme tout le monde sait, à l'école de l'expérience, le langage des bêtes et celui des plantes. Se promenant un jour dans une prairie assez près du rivage de la mer, il entendit ces paroles : «Que je suis malheureuse d'être née herbe ! À peine suis-je parvenue à deux pouces de hauteur que voilà un monstre dévorant, un animal horrible, qui me foule sous ses larges pieds ; sa gueule est armée d'une rangée de faux tranchantes, avec laquelle il me coupe, me déchire et m'engloutit. Les hommes nomment ce monstre un mouton. J'ai beau exprimer à ma manière mon envie de vivre, il ne m'entend point. Je ne crois qu'il y ait au monde une plus abominable créature.»
Z. avança quelques pas ; il trouva une huître qui bâillait sur un petit rocher ; il n'avait point encore embrassé cette admirable loi par laquelle il est défendu de manger les animaux nos semblables. Il allait avaler l'huître, lorsqu'elle prononça ces mots attendrissants : «O nature ! Que l'herbe, qui est comme moi ton ouvrage, est heureuse ! Quand on l'a coupée, elle renaît, elle est immortelle ; et nous, pauvres huîtres, en vain sommes-nous défendues par une double cuirasse ; des scélérats ignorant notre refus de passer de vie à trépas nous mangent par douzaines à leur déjeuner, et c'en est fait pour jamais. Quelle épouvantable destinée que celle d'une huître, et que les hommes sont barbares, sourds et bornés qu'ils sont dans leur langage particulier !»
Z. tressaillit ; il sentit l'énormité du crime qu'il allait commettre : il demanda pardon à l'huître en pleurant, et la remit bien proprement sur son rocher.
(à suivre)
opajpoaj (Voir le profil) 15 décembre 2016 21:01:04
Comme il rêvait profondément à cette aventure en retournant à la ville, il vit des araignées qui dans le silence de leur parlure mangeaient des mouches qui protestaient dans la leur, des hirondelles qui mangeaient des araignées incapables de trisser, des éperviers qui mangeaient des hirondelles aux inintelligibles piaulis. «Tous ces gens-là, dit-il, ne sont pas philosophes.»
Z., en entrant dans une petite ville d'Europe (Beehiksell), fut heurté, froissé, renversé par une multitude de gredins et de gredines qui couraient en criant : «C'est bien fait, c'est bien fait, ils l'ont bien mérité ! — Qui ? quoi ?» dit Z. en se relevant ; et les gens couraient toujours en disant : «Ah ! que nous aurons de plaisir de les cuisiner !» Z. crut qu'on parlait de lentilles ou de quelques autres légumes ; point du tout, c'était de deux pauvres dissidents. «Ah ! sans doute, dit Z., ce sont deux de ces hommes, las de l'universelle incommunicabilité ; ils sont bien aises de prouver qu'ils maîtrisent la si facile, la si logique nouvelle et bonne langue, du créateur de laquelle je fus jadis le démon ; il y a du plaisir, de l'irénisme, à changer de prisme langagier, quoique l'essence et la totalité du réel nous échappent toujours : il ne faut pas disputer des goûts, mais il faut suivre le chemin de la raison.»
Il avança avec la foule jusqu'à la place publique, et ce fut là qu'il vit un grand bûcher des vanités allumé, et vis-à-vis de ce bûcher un banc qu'on appelait un tribunal, et sur ce banc des juges, et ces juges tenaient tous par une lourde laisse d'argent un bulldog, et ils avaient sur l'épaule gauche un leurre en manière de dandinette d'or massif et sur l'épaule droite un pygargue à tête blanche au port comminatoire.
Il y avait parmi ces juges un honnête homme fort connu de Z. Ce sage Beehiksellois expliqua au sage Z. de quoi il était question dans la fête qu'on allait donner au peuple nescient.
«Les deux insoumis, dit-il, n'ont nulle envie d'être cuisinés avant d'être brocardés ni d'assister à l'autodafé de leurs écrits ; mes graves confrères les ont condamnés à ce supplice, l'un pour avoir dit que le célébrissime Deuxgeais avait osé, hors de son domaine habituel, pontifier capricamment en matière de langues œcuméniques, se gaussant de la 'future seconde' de tous ; et l'autre, pour avoir eu l'outrecuidance de souligner les chaussetrappes de la langue à la mode, qui se la pète grave par la lâche adulation de ses flagorneurs usagers allogènes, même s'ils ne trouvent pas toujours un dico Harrap's à point nommé. Les 'collabos linguistiques' de la ville ont été si effrayés de ces deux propositions hérétiques qu'ils n'ont point donné de repos aux juges jusqu'à ce qu'ils aient ordonné le supplice de ces deux infortunés.»
Z. jugea que depuis l'herbe jusqu'à l'homme il y avait bien des sujets de chagrin. Il fit pourtant entendre raison aux juges, et même aux béni-oui-oui : et c'est ce qui n'est arrivé que cette seule fois.
Ensuite il alla lui aussi prêcher la nouvelle et bonne parole sous toutes les latitudes ; mais des intolérants, par deux fois, mirent le feu à sa planète et, toutes les fois, le boisseau sur ses écrits : il demeura longtemps méconnu, lui qui avait sauvé de l'infamie deux opiniâtres prosélytes dans cette époque de médiatique brouhaha là.
Comprenne qui pourra !
Z., en entrant dans une petite ville d'Europe (Beehiksell), fut heurté, froissé, renversé par une multitude de gredins et de gredines qui couraient en criant : «C'est bien fait, c'est bien fait, ils l'ont bien mérité ! — Qui ? quoi ?» dit Z. en se relevant ; et les gens couraient toujours en disant : «Ah ! que nous aurons de plaisir de les cuisiner !» Z. crut qu'on parlait de lentilles ou de quelques autres légumes ; point du tout, c'était de deux pauvres dissidents. «Ah ! sans doute, dit Z., ce sont deux de ces hommes, las de l'universelle incommunicabilité ; ils sont bien aises de prouver qu'ils maîtrisent la si facile, la si logique nouvelle et bonne langue, du créateur de laquelle je fus jadis le démon ; il y a du plaisir, de l'irénisme, à changer de prisme langagier, quoique l'essence et la totalité du réel nous échappent toujours : il ne faut pas disputer des goûts, mais il faut suivre le chemin de la raison.»
Il avança avec la foule jusqu'à la place publique, et ce fut là qu'il vit un grand bûcher des vanités allumé, et vis-à-vis de ce bûcher un banc qu'on appelait un tribunal, et sur ce banc des juges, et ces juges tenaient tous par une lourde laisse d'argent un bulldog, et ils avaient sur l'épaule gauche un leurre en manière de dandinette d'or massif et sur l'épaule droite un pygargue à tête blanche au port comminatoire.
Il y avait parmi ces juges un honnête homme fort connu de Z. Ce sage Beehiksellois expliqua au sage Z. de quoi il était question dans la fête qu'on allait donner au peuple nescient.
«Les deux insoumis, dit-il, n'ont nulle envie d'être cuisinés avant d'être brocardés ni d'assister à l'autodafé de leurs écrits ; mes graves confrères les ont condamnés à ce supplice, l'un pour avoir dit que le célébrissime Deuxgeais avait osé, hors de son domaine habituel, pontifier capricamment en matière de langues œcuméniques, se gaussant de la 'future seconde' de tous ; et l'autre, pour avoir eu l'outrecuidance de souligner les chaussetrappes de la langue à la mode, qui se la pète grave par la lâche adulation de ses flagorneurs usagers allogènes, même s'ils ne trouvent pas toujours un dico Harrap's à point nommé. Les 'collabos linguistiques' de la ville ont été si effrayés de ces deux propositions hérétiques qu'ils n'ont point donné de repos aux juges jusqu'à ce qu'ils aient ordonné le supplice de ces deux infortunés.»
Z. jugea que depuis l'herbe jusqu'à l'homme il y avait bien des sujets de chagrin. Il fit pourtant entendre raison aux juges, et même aux béni-oui-oui : et c'est ce qui n'est arrivé que cette seule fois.
Ensuite il alla lui aussi prêcher la nouvelle et bonne parole sous toutes les latitudes ; mais des intolérants, par deux fois, mirent le feu à sa planète et, toutes les fois, le boisseau sur ses écrits : il demeura longtemps méconnu, lui qui avait sauvé de l'infamie deux opiniâtres prosélytes dans cette époque de médiatique brouhaha là.
Comprenne qui pourra !