Al la enhavo

Je suis sourde et je veux apprendre l’espéranto

de Harlinah, 2013-aprilo-03

Mesaĝoj: 116

Lingvo: Français

yyaann (Montri la profilon) 2013-aprilo-21 03:11:45

Harlinah:
Étendre le vocabulaire à partir de la sémantique est effectivement la meilleure façon de faire mais encore faut il que les mots le permettant existent.

Par exemple pour épistémologie . On pourrait effectivement créer un mot en arabe avec "naqhd" (critique) "3ilm " (science) "dirassa" (étude). Quoique franchement dans le cas d'épistémologie ça fait un peu trop de mots à accoler. Ce n’est pas pratique et je pense qu'on en peut pas faire l’économie d'un mot entièrement nouveau
L'arabe a bel et bien une traduction pour épistémologie en deux mots :
نظرية المعرفة
Une recherche m'apprend qu'il s'agit des mots "théorie" et "connaissance". La théorie portant sur les connaissances donc.

Même chose pour l'hébreu moderne
תורת ההכרה
théorie connaissance

Incidemment la traduction en Espéranto utilise des radicaux de même sens :
Sciteorio
de "scio" (savoir) et "teorio" (théorie). La théorie portant sur le savoir.

Le néerlandais, l'allemand, le danois et le slovaque suivent le même modèle :
kennistheorie
erkenntnistheorie
Erkendelsesteori
Teória poznania
Le finlandais
Tietoteoria
information-théorie

L'islandais
Þekkingarfræði
connaissance-étude

Le hindi
ज्ञानमीमांसा
connaissance-réflexion

Le chinois utilise quant à lui trois racines :
知識學
Savoir-reconnaître-étude
ou l'étude de la façon dont on repère le savoir.

Tout comme le japonais
認識論
Connaissance-identifier-théorie
ou la théorie sur la façon dont on identifie les connaissances.

Le norvégien
Sannkjenningsteori
probabilité-détection-théorie

Et même le grec ancien d'où nous tirons épistémologie :
επι+στημη+λογια
[au dessus]-[être debout]-[discours]

Bien que ce ne soit pas le cas du français ou de l'anglais, on voit bien que de nombreuses langues se passent aisément de l'emprunt aux langues étrangères pour exprimer un concept. Un enfant chinois ou japonais confronté pour la première fois à l'équivalent dans sa langue du mot "épistémologie" peut tenter d'en deviner le sens. Pareil pour un enfant apprenant l'espéranto. En revanche, dans de nombreuses autres langues comme le français et l'anglais la seule manière de deviner le sens du mot serait de connaître le grec ancien ( mais même dans ce cas, encore faut-il savoir que "se tenir debout au dessus" signifie "science" ). Quel est donc l'avantage du néologisme là dedans ?

Harlinah (Montri la profilon) 2013-aprilo-21 18:15:52

Bonjour yyaann

Merci beaucoup pour l’information . Vous m’apprenez quelque chose et je me demande si ce n’est pas récent car je peux vous assurer que pendant tout le temps où j’ai étudié la philo au lycée , on ne parlait que d’épistémologie retranscrit en arabe exactement comme par exemple le mot démocratie qui se disait démocratia bien que democratia soit devenu un terme qu’on a arabisé en partant de la phonétique plutôt que de la sémantique. Ils auraient pourtant pu partir du mot choura par exemple pour donner une meilleure traduction.
Le mot que vous venez de me donner c’est en fait deux mots qui traduits littéralement donneraient la théorie de la science.
Ça pourrait le faire effectivement mais quand j’étais au lycée il y a 25 ans –ça ne nous rajeunit pas- ce n’était pas du tout utilisé à moins que ma professeur de philosophie ne l’ait négligé comme certains ici en France préfèrent utiliser des anglicismes à la place de termes français qui ont pourtant toujours existé.

Néanmoins, il y a encore pas mal de concepts manquant ou encore trop récents y compris dans le domaine spirituel.Et quand il y a une traduction elle n’est pas vraiment connue . Par exemple en français, le vocable « agnostique » est on ne peut plus banal et personne ne ferait la confusion entre un agnostique et un athée ou un déiste.

Généralement pour les désigner, il y a le terme générique "ladini" qui est plutôt la traduction « sémantique » cette fois-ci du mot « areligieux. »
Mais franchement ça reste quand même générique et assez vague. Bien qu’ils soient tous areligieux, un agnostique n’est pas un déiste ni un athée ni un panthéiste.
Se contenter de les mettre dans la case des areligieux est très insuffisant.
Pourtant dans le monde arabe il y a toujours eu des athées, des agnostiques et des déistes notamment parmi leurs scientifiques et grands penseurs.
Ceci n’est qu’un exemple pour vous dire que dans une langue on peut ne pas trouver de terme même pour des choses qui font pourtant partie de la réalité de sa sphère culturelle.
Personnellement, j’ai vécu et fait toutes mes études dans le monde arabe sans jamais avoir entendu parler de concepts comme le déisme , l’agnosticisme , le panthéisme ou même la réincarnation.
C’est uniquement à mon arrivée en France que j’ai découvert tout cela avec le vocabulaire qui va avec. Quand je cherche l’équivalent en arabe, le plus souvent je n’ai pas de réponses ou alors des traductions très maladroites. Par exemple , après avoir essayé plusieurs dictionnaires qui ne me renvoient aucun résultat pour le mot agnostique , je trouve enfin un dictionnaire qui en donne la traduction suivante « la Adri » qui veut dire littéralement « je ne sais pas ». (la=ne ou non, adri= je sais)

C’est une tentative pour traduire en « celui qui ne sait pas ». Qui ne sait pas ? En effet l’agnostique n’a pas d’avis tranché mais ce terme je le trouve très maladroit aussi bien sur le fond que sur la forme. Pas étonnant qu’il soit méconnu.

Harlinah (Montri la profilon) 2013-aprilo-21 18:24:30

Pourtant le monde arabo-musulman a eu ses agnostiques, déistes et athées parmi ses plus grands penseurs.

Je pense notamment au célèbre El Maari qui était un génie de la poésie, très en avance sur son temps. Végétarien, pacifiste, philosophe et agnostique notoire.

Avicenne qui était déiste en plus d’être épicurien.

Abou Nawass très grand poète, homosexuel et épicurien très célèbre. Lui n’hésitait pas à chanter le vin et les garçons.

Quand je demande épicurien à google vous savez ce qu’il me renvoie ? أبيقوري « Abiqhouri » . Quelle abjection ! C’est ce que peut donner la traduction phonétique de pire.

Tout ceci pour dire que des termes peuvent manquer dans une langue même quand ils désignent des concepts tout à fait connus dans sa sphère culturelle.

Les libres penseurs et les épicuriens arabes ou plutôt arabo-musulmans ont toujours existé et il n’ya pas encore de terme satisfaisant pour les désigner.

Pourtant cette même langue peut être très riche et extrêmement développée dans d’autres domaines.

Pour le mot amour par exemple il y’a 60 mots pour designer toute les nuances de ce sentiment allant de la simple attirance à la folie comme celle qui s’est abattue sur Majnounou Leyla « le fou de Leyla ». Moi je n’en ai connu que 12.

Quand on est passionné et amoureux de la beauté, la langue arabe classique est un pur bonheur. On dit que c’est une langue liturgique, moi je pense que c’est avant tout une langue de poésie et d’éloquence.
La langue arabe classique pour les poètes c’est un peu comme la musique classique pour les musiciens..
Les plus belles œuvres qu’il m’a été donné de lire dans cette langue étaient signées par des poètes polythéistes, des messieurs que leurs contemporains croyaient habités par des « djinns » tellement ils étaient éloquents. Des génies de la poésie qui se moquaient royalement de la liturgie.

Des messieurs qui n’ont rien à envier à d’autres génies comme Molière, Maupassant , Corneille ou de Laclos, des messieurs que j’aurais bien aimé rencontrer –avec de bonnes oreilles ceci dit- parce qu’ils savent dire les choses comme personne.

Harlinah (Montri la profilon) 2013-aprilo-21 18:26:29

A ce titre, je serai toute ma vie reconnaissante à la prof qui a eu le courage de nous faire découvrir ces merveilles et je pense notamment aux célèbres suspendues. Sur un extrait d’un poème, on devait travailler plus d’un mois à fouiller dans les dictionnaires. Au départ, on était déroutés par un texte aussi abscons que si c’était du chinois. C’était bien de l’arabe mais extrêmement soutenu. La rime est magnifique mais on n’y comprenait rien. Puis au fur est à mesure qu’on avançait dans la compréhension des mots, on découvrait une beauté indescriptible. Une beauté intraduisible et qui ne pourra jamais exister que dans sa langue originelle.. Malgré leur côté subversif, le prophète de l’islam qui a pourtant détruit les déesses des Mecquois n’a pas osé toucher à ces chefs d’œuvres qui sont restés gravés en lettres d’or sur le tissu couvrant le mur de la Mecque, d’où leur nom de mouallakat qui veut dire suspendues.
http://livre.fnac.com/a2487804/Collectif-Mu-allaqa...
http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Mu...

Mais vous savez, il n’y a pas que les suspendues bien que leur beauté atteigne des sommets inégalables. Tout ce qui est fait dans cette langue est magnifique : prose, poésie, films historiques, chansons, poèmes et j’en passe. Comme je le dis souvent, il est très difficile voire impossible de faire quelque chose de laid dans cette langue.
Grâce à elle, j‘ai connu des moments inoubliables et je ne me consolerai jamais de ne plus pouvoir revivre de telles jouissances.

Je suis désolée de cette digression mais je vous remercie parce que c’est un peu grâce à vous que j’ai pu me rappeler ces moments d’enchantement. Peut-être est ce la vue de caractères arabes qui a fait remonter tout ça. Et comme j’aime écrire, eh bien c’est un peu comme si je le revivais à nouveau même si je ne pourrai jamais me départir de ce sentiment de mélancolie à l’idée de savoir que ça ne reviendra plus jamais.

La langue française est la seule capable de me faire vibrer autant mais étrangement je n‘aime pas le français ancien alors que l’arabe ancien me laisse sans voix. Le français moderne est tellement plus beau et puissant que celui de Tristan et Iseut (œuvre qui m’a laissée de marbre) mais l’arabe moderne est fade et appauvri quand on a connu l’arabe du moyen âge sans même parler de celui de la glorieuse époque des Mouallakat.

Que ce soit le français de de Laclos ou celui de d’Ormesson, l’arabe de Moutanabbi (moyen âge) ou celui de Imrou El Qays (période antéislamique), c’est très beau à lire, très agréable à écrire et encore tellement plus jouissif à entendre.

Altebrilas (Montri la profilon) 2013-aprilo-22 13:58:53

Ma première réaction à tous ces messages auxquels j'essaierai de répondre plus en détail plus tard est que le fil de discussion lancé par d'Harlinah a le mérite de jeter un éclairage nouveau sur un vieŭ débat qui partage le monde espérantiste: faut il multiplier les néologismes (qui est une solution de facilité: on ne connaît pas un mot, on rajoute "o" au mot français ou anglais - s'il existe dans les deŭ langues alors c'est parfait - et le tour est joué. Ou bien faut il se contenter des mots composés (kunmetaĵoj) chaque fois que c'est possible, quitte à en distordre ou surspécialiser le sens?

La première solution favorise la littérature - choix de la forme et des nuances - mais a l'inconvénient d'être plus européiste. La seconde facilite l'apprentissage et le rend plus accessible aŭ peuples non européens, mais exige plus d'efforts d'expression et de gymnastique intellecuelle.

La problématique des lexiques spécialisés est tout à fait intéressante de ce point de vue et présente un vrai défi intellectuel pour les espérantistes, s'ils inclinent en faveur de la deuxième solution.

yyaann (Montri la profilon) 2013-aprilo-23 02:29:20

Harlinah,

tout d'abord merci pour vos partages. Il y a dans votre façon de relater votre vécu beaucoup de couleurs et de poésie.

Ensuite, concernant l'aspect des langues, pour ne pas faillir à la tradition, nous ne sommes pas d'accord. ridulo.gif

Vous dites au sujet de l'arabe que les mots manquent pour désigner des concepts. Concernant l'exemple spécifique de l'agnosticisme, vous avez trouvé "la adri" qui signifie simplement "je ne sais pas". Moi je trouve sur wikipédia :
اللاأدرية
Alla'adriyya (pardonnez-moi les éventuelles erreurs de retranscription). Donc, de quoi s'agit-il finalement? Si mes souvenirs lointains de cours d'arabe ne me trahissent pas : l'article "al", la particule négative "la", la racine trilitérale "adr" qui renvoie au savoir comme vous me l'avez dit et enfin, la marque du féminin "iyya". Je parle évidemment sous votre contrôle.
Il s'agit donc d'une dérivation. L'arabe a employé une solution qui lui est endogène pour exprimer un concept. Par ailleurs cette dérivation reflète la construction grecque originale qui a servi à former le mot "agnosticisme".

Là encore, on peut faire le parallèle avec l'Espéranto :
sensciismo
sen-sci-ism-o
c'est à dire : [sans]-[concept du savoir]-[obédience, doctrine]-[fonction nominale].
Donc la doctrine de l'absence de savoir.
(Agnostikismo existe aussi, mais vous ne serez pas surprise de savoir que je préfère la version dérivée).

Sur la même page de wikipédia, on trouve aussi
الأغنوستية
Alo3'nustiyyah (je retente ma chance, ainsi je double le risque d'avoir fait une mauvaise translittération okulumo.gif )
Tiens, j'interprète peut-être mal, mais ne serait-ce pas le mot "agnostique" retranscris en arabe? Le parallèle avec l'Espéranto est décidément bien pertinent !

Que constatons-nous ? Que finalement l'arabe a plus de mots pour désigner l'agnosticisme que n'en a le français ! C'est donc tout le contraire.

Venons-en maintenant à l'exemple de la traduction arabe d'épicurien que vous jugez être une horrible déformation du mot original.
Que puis-je en dire sinon que les grecs de l'antiquité auraient sans doute du mal à reconnaître leur Epicouros dans le français "Épicure", les anglais leur "roast beef" dans notre "rosbif" et les autrichiens leur "Freud" (les germanophones disent "froyd" alors que nous en faisons une lecture conforme à la logique de l'orthographe française).
Il est bien normal qu'un nom s'adapte, en entrant dans une langue, à la phonologie de celle-ci, sauf à exiger de ses locuteurs qu'ils sachent parfaitement prononcer tous les noms étrangers dans la prononciation d'origine. J'espère dans ce cas qu'on ne devra pas trop souvent prononcer des noms venant de langues employant des consonnes de type clic ou de langues dont les hauteurs tonales affectent le sens du mot.

Harlinah (Montri la profilon) 2013-majo-01 18:11:17

Bonsoir yyaann,

merci pour vos compliments. Mon seul mérite est peut-être d’approcher par les mots ce que j'étais peut-être la seule à ressentir à l'époque. C'était magnifique et j'ai été heureuse de partager cela avec vous.
Et même si je suis condamnée à vivre dans la nostalgie , je m'estime quand même chanceuse d'avoir entendu des choses aussi belles.

Quant au reste, je vois que nous ne sommes pas d’accord et c’est tant mieux, le débat n'en sera que plus intéressant.

Pour revenir au terme Alla’adriya que vous retranscrivez très bien et que vous analysez tout aussi bien c’est juste un dérivé de l’adjectif « Alla’adri » qui pour moi reste aussi maladroit sur le fond que sur la forme car littéralement cela donnerait « le(al) la (non) adri (je sais) »

En fait, c’est toujours le même mot. Je ne comprends pas pourquoi vous parlez de plusieurs mots qu’aurait l’arabe pour désigner l’agnosticisme.
Ils auraient pu au moins utiliser le mot « al moudrik » , qui veut dire « celui qui sait » et donc traduire « alla’moudrik » ce qui serait déjà mieux même si ce n’est pas parfait.

On utilise le préfixe "la" comme on utilise le préfixe « a » en français. (areligieux pour les sans religions) mais cela est très récent en arabe.
A ma connaissance, l’utilisation des préfixes n’existe pas à la base sauf peut être pour la conjugaison : le futur se construit à partir du présent auquel on ajoute le préfixe « sa » (aktoubou : j’écris=> saaktoubou : j’écrirai)

Mais sinon pour désigner une chose et son contraire, on n’utilise par des préfixes comme en français ou en esperanto. Non on a deux termes différents tout simplement.
Par exemple, en français on trouve beaucoup d’antonymes qui se construisent avec le préfixe « in » ou « im » : prudent et imprudent, digne et indigne, valide et invalide.

En arabe c’est toujours des mots complètement différents comme par exemple « grand » et « petit ».
L’utilisation du préfixe « la » n’est pas vraiment un usage de cette langue. Cela a été ajouté pour pallier l’absence d’un vrai terme arabe qui désignerait un concept comme « areligieux » ou « agnostique ».

Et encore, n’oublions pas que c’est l'une des rares position philosophiques qui a sa traduction en arabe même si elle est maladroite.

Pour l’athéisme il y a ilhad, ce vocable étant assez ancien dans la langue arabe.
Pour la laïcité on dit "3ilmaniya" , récent mais tellement plus réussi que "alla’adriya".
Mais rien pour dire déiste , panthéiste ou même épicurien.

Quant à Alo3'nustiyyah , euh excusez-moi mais pour moi c’est tout simplement un barbarisme pour ne pas dire une horreur.

Je ne sais pas qui a parlé de la traduction phonétique en disant que ce n’est pas ce qu’il y a mieux. Justement ce terme c’est encore une aberration de la traduction phonétique exactement comme « abiqhouri » ou le fameux « ibistimouloujiya » qu’utilisait ma prof de philo.

Une traduction phonétique qui fait tâche quand on est entrain de parler arabe clas...

Harlinah (Montri la profilon) 2013-majo-01 18:20:29

En fait, la retranscription phonétique de ce terme « arabe » que vous venez de me donner c’est plutôt « Alornostiya »
Le son « g » n’existe pas en arabe classique alors ils l’ont remplacé » par « r», ce dernier devant se lire ici comme en français.

La langue arabe possède les deu x "r":
- la lettre "ra" pour le "r" comme en espéranto.
- la lettre "rine" pour le "r" comme en français.
En revanche, le « t » je ne sais pas comment vous le retranscrire. Dans la langue arabe c'est un "t" particulier n'existant ni en français ni en anglais ni en espéranto même si l'alphabet arabe comprend aussi le "t" français et le "th" anglais.

Pour revenir au vocable inventé "alornostiya" non seulement ce n’est pas terrible, non seulement c'est laid comme tout, mais en plus ce n’est pas connu, la preuve en est que tous les dictionnaires ne le renvoient pas. En fait, c’est la première fois que je le vois et pourtant ce n’est pas faute d’avoir cherché.

Je ne suis pas non plus d’accord quand vous mettez « abiqhouri » et « Epicurien » sur le même plan.

Le premier est une abjection, le genre de mot qui vous blesse les oreilles. On n’a pas besoin d’être Moutanabbi pour comprendre que c’est tout sauf de l’arabe.
Pire, si j’avais lu ce terme en dehors de ce contexte, j’aurais été incapable de le comprendre ni même d’en subodorer l’origine contrairement à democratia ou ibistimouloujiya.
Je n’aurais jamais deviné que « abiqhouri » faisait référence à Epicure et à l’épicurisme.

« Epicurien » en revanche est un mot parfaitement francisé au même titre qu’abricot ou coton.
Il s’intègre tout à fait à la langue française et si on connaît l’histoire d’Epicure, on comprendra facilement ce que veut dire cet adjectif comme on n’a aucune peine à deviner ce que veut dire narcissique ou machiavélique.

Petrochib (Montri la profilon) 2013-majo-24 17:13:33

Je me permets d'intervenir, car j'ai retrouvé beaucoup de mes impressions, quand j'ai voulu moi-même apprendre la LSF, en milieu associatif, parce que j'ai un ami, qui est lui-même malentendant, voire maintenant sourd complet, qui m'avait sensibilisé à l'époque de notre rencontre à son bien-fondé. Suite à ces impressions d́efavorables, j'ai donc abandonné cet apprentissage, pour d'autres raisons plus terre-à-terre et aussi médicales (je souffre d'une maladie génétique rare).
Mon témoignage porte sur la difficulté pour les entendants d'apprendre cette langue principalement visuelle (qui se réfère donc à des images, alors qu'une langue orale accentuera plus ce qu'on entend par le conduit auditif; c'est un aspect qu'on devrait prendre en compte dans les apprentissages, quels qu'ils soient, et qui devrait permettre des choix en cette matière, comme on peut d́eterminer une tendance plus intellectuelle ou plus scientifique, dans l'orientation de ces derniers, pardon pour cette phrase un peu longue et compliquée). Le côté visuel d'une langue n'est pas négligé dans une langue qui oralise, mais les habitudes qu'elle entraîne, ont des conséquences qu'on ne soupçonne pas, dans les réflexes acquis dans l'extrême petite enfance des sourds de naissance; voir à ce sujet le film "Temple Grandin", qui raconte sur ce thème la vie chaotique d'une enfant autiste, donc "sourde à elle-même" dans le milieu extrêmement machiste des cow-boys du Texas, qui s'intéresse à la vie des gros mammifères élevés par ces derniers, qui donnent leur vie, leur progéniture et leur production laitière, sans aucune reconnaissance ni intérêt pour leur confort particulier, et que cet enfant, qui perçoit le monde d'abord visuellement et peut ressentir de la compassion dans l'univers concentrationnaire des grands ruminants. Temple n'est pas sourde, seulement à part, mais on peut voir les conséquences de cette façon de comprendre le monde sur sa vie.
En tout cas, bravo pour cette très culturelle suite d'interventions sur le thème de la langue universelle, qui a su trouver un style éloquent et pertinent par Harlinah. Je vous souhaite un beau parcours dans ce labyrinthe un peu compliqué de la sémantique et de la relation à l'autre, du sens de la vie, quoi!
Je suis en ce moment actif sur les radios espérantistes (celles qui montrent le texte de leurs émissions). J'y joue le rôle d'un correcteur dans cette activité, qui malheureusement fait appel à l'audition, bien que le côté visuel ne soit pas délaissé, si on a Internet. Harlinah pourrait sûrement y briller comme une "étoile berbère" qu'elle est! Courage dans cette épreuve de la vie, qu'elle traverse avec brio!

Harlinah (Montri la profilon) 2013-majo-24 19:11:56

Bonsoir Petrochib,

Je vous remercie pour ce témoignage qui sous bien des aspects corrobore ce que j’ai dit à divers endroits sur ce site. Et surtout merci pour vos compliments. La dernière phrase m’a fait sourire : j’ai un ami qui m’appelle comme ça, ce qui me fait toujours rire.

Pour revenir à la LSF tout ce que vous dites est malheureusement vrai.
Je tiens notamment à vous féliciter de vouloir apprendre cette langue pour garder le contact avec votre ami. Même des parents ne font pas cela pour leur enfant sourd. Je connais très peu de gens qui se donneraient une telle peine et votre ami dans son épreuve doit se sentir chanceux d’avoir un ami véritable.
Je peux vous dire par expérience que si le sort vous fait l’affront de vous enfermer eh bien il y aura très très peu de gens pour venir agrémenter votre prison. Les seuls qui y survivent sont ceux qui ont réussi à se détacher et à cultiver l’indifférence.

Pour ma part, c’est parce que je peux me dire je m’en fiche que j’ai vécu des années d’isolement et continue de vivre le plus souvent seule sans en faire une dépression.
J’accepte qu’on parte, de me retrouver seule car dans mon esprit tout est éphémère y compris je dirai même en premier lieu les relations humaines. Je profite de ce que le présent m’offre et je n’ai aucun regret ni aucune amertume quand c’est terminé.
Tant que la personne communique avec moi elle est présente dans mon esprit mais une fois qu’elle cesse de le faire elle disparait sans même avoir à m’y forcer.
Je ne suis pas née comme ça, je le suis devenue probablement pour pouvoir survivre alors même que je n’ai aucun attachement pour la vie non plus.

Les seuls qui ont encore le pouvoir de me faire pleurer ce sont ma famille car eux je les aime sans pouvoir faire autrement. Mes amis aussi mais eux sont mes amis justement parce qu'ils ne me feront jamais pleurer sauf s'il leur arrivait malheur...
En dehors de mon neveu et ma petite sœur personne n’a voulu apprendre le LPC.
Mes parents ne peuvent pas et les autres ça ne les intéresse pas.
Résultat quand je pars au Maroc on me traite comme si j’étais faite de porcelaine. Justement on ne parle pas à une porcelaine on se contente de la bichonner. On est à mes petits soins, on m’écrit pour me demander ce que je veux manger à midi mais on ne me raconte plus rien pas plus qu’on ne cherche à savoir ce que je vis ou ce que je ressens.

Quand j’y pense je pleure alors même que je vais aller les voir l’été parce que mes neveux et mes parents me manquent terriblement. Je suis tiraillée entre ma douleur et mon besoin de les voir même si je sais que l’échange sera sommaire , même si je vais devoir être confrontée à la seule solitude qui a le pouvoir de me faire mal : celle qu’on ressent quand on est entouré de gens qui ne vous parlent pas notamment ceux qu’on aime.
C’est une blessure dont je ne me remettrai jamais et que je n’oublierai jamais même si je retrouvais l’audition demain.

Reen al la supro